La valeur pédagogique des objectifs et des résultats d’apprentissage

 Les objectifs d’apprentissage favorisent l’apprentissage des étudiant.e.s de plusieurs manières. Par conséquent, il est tout à fait approprié de fixer des objectifs en fonction de la recherche sur l’apprentissage.

Tout d’abord, une définition claire des objectifs d’apprentissage permet aux étudiants de distinguer les types de connaissances. La littérature scientifique (Anderson et Krothwahl, 2001; Anderson, 1983; Alexander, Schallert, et Hare, 1991; deJong et Ferguson-Hessler, 1996) met en lumière deux grands types de connaissances : D’une part, la connaissance déclarative ou la connaissance de faits et concepts pouvant être énoncés ou déclarés. On peut la voir comme le fait de « savoir une chose ». Nommer les parties du système cardiovasculaire, décrire les caractéristiques de la structure sociale des chasseurs-cueilleurs ou encore expliquer la troisième loi de Newton sont des exemples de connaissances déclaratives. D’autre part, on parle de la connaissance procédurale, le fait de savoir comment et à quel moment mettre en pratique procédures, méthodes, théories, styles ou approches. Calcul intégral, dessins 3D, calibrage d’équipement de laboratoire, ainsi que le recours à ces habiletés au moment opportun se classent dans la catégorie de la connaissance procédurale.

Les connaissances déclarative et procédurale sont distinctes et influencent différents types de performance. Par exemple, les étudiant.e.s connaissent généralement les faits et les concepts, mais ne savent ni quand ni comment les mettre en application. En fait, d’après les recherches sur l’apprentissage des sciences, bien que les étudiant.e.s énoncent des faits scientifiques (p. ex. la force est égale à la masse multipliée par l’accélération), ils ont souvent de la difficulté à y avoir recours pour résoudre des problèmes, interpréter des données ou tirer des conclusions (Clement, 1982). Des études démontrent également que les étudiant.e.s peuvent réaliser des tâches procédurales sans pour autant être en mesure d’expliquer le pourquoi et la démarche (Berry et Broadbent, 1988; Reber et Kotovsky, 1997; Sun, Merrill, et Peterson, 2000). Ainsi, des étudiant.e.s en administration des affaires savent se servir des formules pour résoudre des problèmes financiers, mais ne peuvent expliquer la méthode ou les principes qui sous-tendent leurs solutions. De la même manière, les personnes étudiant en design peuvent reproduire une forme particulière sans pouvoir expliquer ou justifier leurs choix. Donc, les étudiant.e.s ne peuvent savoir le type de connaissances à développer si les objectifs d’apprentissage ne sont ni clairs ni définis (par exemple, une liste de sujets à explorer). À cause de cette ambiguïté, les objectifs d’apprentissage sont tout bonnement interprétés sur le plan de niveau ou de types de connaissances « plus simples », ce qui peut aller à l’encontre de l’intention de l’enseignant.e.

Par ailleurs, expliquer les objectifs d’apprentissage garantissent la mise en pratique des « bonnes » habiletés, soit les techniques appropriées à apprendre. Les recherches ont démontré que l’apprentissage et l’efficacité sont largement favorisés lorsque les étudiant.e.s adoptent une pratique (a) axée sur un but ou un critère précis; (b) fondée sur un niveau approprié de difficulté tenant compte du rendement des étudiant.e.s et (c) assez fréquente et adéquate pour satisfaire aux critères de performance. Elles montrent plus précisément que le temps consacré à une pratique délibérée est le facteur déterminant de l’apprentissage continu dans un domaine donné, et non le temps alloué à une pratique plus générale (Ericsson, Krampe, et Tescher-Romer, 2003). L’une des principales caractéristiques d’une pratique délibérée est le fait qu’elle tende vers des buts précis (c.-à-d. les objectifs et les résultats d’apprentissage). À titre d’exemple de l’importance fondamentale d’une telle pratique, les recherches montrent que les musiciens chevronnés consacrent une grande partie de leur temps à des activités d’exercice exigeantes, à l’évaluation continue de leur progression vers un but précis. Puis, lorsque ce but est atteint, ces derniers s’efforcent d’atteindre un nouvel objectif (Ericsson et Lehmann, 1996; Ericsson et Charness, 1994). En revanche, on connaît tous des personnes qui ont étudié la maîtrise d’un instrument de musique et consacré beaucoup de temps à répéter leur gamme sans jamais avoir atteint les hauts sommets. Selon Ericsson, ce paradoxe s’explique du fait que ceux qui consacrent beaucoup de temps à un seul objectif tendent à devenir des musiciens experts alors que ceux qui optent pour une différente approche n’obtiennent pas le même résultat.

Donc, les buts, résultats et objectifs permettent aux étudiant.e.s de ne pas perdre de vue leur apprentissage, ce qui les amène à consacrer davantage de temps et d’énergie aux priorités. Dans le même ordre d’idée, Rothkopf et Billington (1979) notent que les étudiant.e.s qui visent un but précis lorsqu’ils apprennent de textes prêtent beaucoup plus d’attention aux passages pertinents pour leurs objectifs et en apprennent mieux.

Ensuite, définir des objectifs d’apprentissage favorise un équilibre approprié aux aptitudes des étudiant.e.s entre autonomie et orientation dans votre cours. En tant qu’enseignant.e.s, nous souhaitons que nos étudiant.e.s soient autonomes. Cependant, pour ce faire, ce processus de développement implique avant tout l’acquisition de connaissances de base et des habiletés disciplinaires, puis intègre davantage de créativité, de prise de risque et d’autonomie. Étant donné que les besoins en apprentissage des novices diffèrent de ceux des étudiant.e.s de niveau plus avancé, il faut fixer des objectifs favorisant un équilibre adéquat entre l’orientation et l’autonomie et adapté au degré de perfectionnement. Les recherches sur l’apprentissage appuient les conclusions indiquant que les apprenant.e.s de niveau débutant à intermédiaire tireraient profit d’une plus grande autonomie et de possibilités d’exploration (Kyllonen et Lajoie, 2003; Cronbach et Snow, 1977; Klahr et Nigam, 2004). En effet, une méta-analyse (regroupant 70 études de petite envergure) a révélé que les étudiant.e.s novices qui doivent exécuter une tâche sans instruction et orientation suffisante n’enrichissent pas leur connaissance, et perdent même des acquis (Clark, 1989). De plus, des études affirment que trop d’instructions données directement aux étudiant.e.s de niveau avancé nuisent à l’apprentissage et causent un détournement de l’attention et de la redondance (Kalyuga, Ayres, Chandler, et Sweller, 2003). Ces études soulignent qu’il faut tenir compte du niveau des étudiant.e.s afin de donner adéquatement des instructions. Par exemple, un enseignement à la becquée peut être nécessaire et systématique pour renforcer les aptitudes pour des étudiant.e.s novices, au contraire de leurs homologues d’un stade plus avancé. Par conséquent, définir clairement des objectifs d’apprentissage permet de déterminer le niveau adéquat d’autonomie des étudiant.e.s d’un niveau donné.

À ce propos, bien que ce soit moins apparent, les objectifs d’apprentissage peuvent stimuler la créativité. Comme l’ont observé des chercheurs en maîtrise artistique, l’excellence dans le domaine des arts repose tant sur la maîtrise technique que sur l’expression créatrice (Sloboda, 1996). Les aptitudes techniques sont indispensables à l’expression de la créativité, mais celle-ci ne se limite pas pour autant à la technique. Par conséquent, les enseignant.e.s qui visent le développement à long terme des aptitudes techniques doivent d’une part établir des objectifs pour les étudiant.e.s novices et de niveau intermédiaire qui favorisent l’acquisition de compétences et de connaissances techniques, et d’autre part fixer des objectifs pour les étudiant.e.s de niveau avancé qui mettent l’accent sur la créativité et l’originalité. Des objectifs ambitieux convenablement définis peuvent viser des exigences élevées et cohérentes sans restreindre la créativité dont font preuve les étudiant.e.s pour réussir. Par exemple, si on estime que des novices en danse doivent « reconnaître et reproduire certains styles de danse », on peut logiquement s’attendre à ce que des étudiant.e.s d’un niveau plus avancé « interprètent ces styles et se les approprient en ajoutant leur propre touche ».

En outre, et sans doute le facteur le plus important dans plusieurs cours enseignés dans un niveau supérieur, des objectifs d’apprentissage clairement définis permettent aux étudiant.e.s d’apprendre de nouveaux éléments de sorte qu’ils soient en mesure de les utiliser à leur guise et adéquatement dans différents contextes, à court et à long terme. Les cognitivistes parlent de « transfert », l’un des principaux indicateurs d’un apprentissage approfondi (pour consulter les réflexions sur les dimensions du transfert, voir Barnett et Ceci, 2002). Néanmoins, le transfert représente un défi de taille pour les étudiant.e.s. La plupart des recherches ont montré que (a) le transfert ne s’opère ni souvent, ni automatiquement et (b) plus les contextes d’apprentissage et de transfert sont différents, moins ce dernier se concrétisera. Autrement dit, malgré les attentes, les étudiant.e.s peinent souvent à mettre en application des compétences et des connaissances pertinentes dans de nouveaux contextes (Singley et Anderson, 1989; McKeough, Lupart, et Marini, 1995; Thorndike et Woodworth, 1901; Reed, Ernst, et Banerji, 1974; Singley, 1995; Groupe Cognition et Technology de l’Université Vanderbilt, 1994; Singley & Anderson, 1989; Holyoak & Koh, 1987).

Alors, si un cours vise un objectif ou résultat (l’utilisation optimale de concepts dans différents contextes p. ex.) clairement indiqué aux étudiant.e.s, et si les possibilités de mettre en pratique mettent en avant l’objectif en question, les étudiant.e.s seront en mesure d’évaluer leur capacité d’y parvenir à mesure que le cours progresse, et obtiendront sans doute du succès. En dernier lieu, formuler des objectifs d’apprentissage permet aux étudiant.e.s de développer des capacités métacognitives. La métacognition est « la capacité de réflexion et de maîtrise de la pensée d’une personne » (Conseil national de recherche, 2001, p. 78). Pour devenir autonomes, les étudiant.e.s doivent apprendre à (a) évaluer les exigences des tâches (c.-à-d. les objectifs et résultats d’apprentissage); (b) évaluer leurs connaissances et aptitudes; (c) mettre au point leur méthode; (d) suivre leurs progrès (réalisable uniquement s’ils comprennent le type de connaissance à acquérir) et (e) adapter leurs stratégies au besoin. Toutefois, ils peinent terriblement à évaluer leurs propres aptitudes et connaissances (Kruger et Dunning, 1999) et sont confrontés principalement à l’université au défi intellectuel de la gestion de leur apprentissage (Pascarella et Terenzini, 2005).

L’autogestion est un enjeu important. Les étudiant.e.s qui généralement suivent leur progrès et tentent de comprendre par eux-mêmes les apprentissages au cours de leur cheminement enrichissent davantage leurs connaissances que leurs homologues qui procèdent différemment (Chi et coll., 1989; 1994; Bielaczyc, Pirolli, et Brown, 1995; Palinscar et Brown, 1984). Plusieurs recherches sur les experts et les novices ont d’ailleurs révélé que les experts se distinguent des novices par leurs grandes capacités d’autogestion – ils prennent davantage conscience de leurs erreurs, connaissent les raisons de leur incompréhension et savent quand vérifier leurs solutions (Chi, Glaser, et Farr, 1988 se rapportent à plusieurs de ces études dans leur livre, The Nature of Expertise). Plusieurs raisons confirment ce constat (p. ex. les experts connaissent mieux le domaine et ont une meilleure conception des connaissances), mais l’une des méthodes pédagogiques qui atténue la difficulté d’autogestion des novices consiste à fixer des objectifs clairs auxquels ils peuvent comparer leur efficacité. Connaître les objectifs d’un cours peut aider les étudiant.e.s à suivre leur progrès à ce propos, il est donc judicieux de penser que les objectifs d’apprentissage sont essentiels pour permettre aux étudiant.e.s d’acquérir des capacités métacognitives.

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Traduit par eCampusOntario en Novembre 2023.